Le traineau à chiens, une passion

Ma passion pour les chiens de traîneau a commencé lorsque j’avais dix ans. J’ai eu mes deux premières Huskies Sibériennes, Sky et Moushka, quand je vivais à Montréal. J’ai commencé par apprendre à prendre soin de mes chiennes correctement, à leur donner ce dont elles avaient besoin. J’ai aussi dû comprendre les caractéristiques de cette race.

  • Une très haute énergie
  • une intolérance à la solitude
  • une endurance incomparable
  • une curiosité
  • un désir d’exploration gigantesque

Ces chiennes m’ont permis de vivre mes premières expériences derrière un traîneau. C’était la naissance d’une passion. Depuis, je travaille dans le milieu du chien de traîneau touristique depuis 14 ans et nous nous faisons poser plusieurs questions sur ce mode de vie passionnant qu’est le traîneau à chiens.

C’est toujours étonnant pour moi de voir si peu de gens informés sur le traîneau à chien. Sans les chiens, l’histoire du Québec aurait été bien différente! C’est une partie essentielle de notre culture et de notre patrimoine.  J’aimerais donc répondre aux questions qui brûlent les lèvres de plusieurs. Voici donc un rapide aperçu de ma vie comme musheuse

La question qui tue : Pourquoi les chiens sont-ils attachés?

En gros, les chiens sont attachés pour :

  • leur sécurité et celle des animaux sauvages;
  • la sécurité des invités;
  • pour qu’ils gagnent la motricité nécessaire à se démêler des lignes d’attelage;
  • qu’ils aient contact avec les autres chiens voisins: ils peuvent donc socialiser;
  • pour qu’ils aient leur espace privé : ils peuvent se coucher tranquilles sans être dérangés;
  • et surtout (essentiel de mon point de vue) pour que le propriétaire, le handler, le guide ou le musher puisse suivre l’état de santé de chaque chien rapidement et de façon efficace. Par exemple, si le chien a des fèces anormales ou l’urine plus colorée, ce sont des indications de l’état de sa santé. Ça nous permet d’agir rapidement en cas de problème.

Après vient le respect de la loi; tout propriétaire de chien doit confiner son animal d’une façon sécuritaire et fiable. Ceci étant dit, il est obligé selon la loi de garder son chien attaché, en enclos ou dans une bâtisse bien ventilée tant que le chien n’est pas sous surveillance. Il est aussi interdit qu’un chien soit laissé en liberté sur un terrain qui n’appartient pas au propriétaire du chien. Je passe beaucoup de temps avec mes chiens, mais il serait impossible pour moi d’être constamment à leur côté pour les surveiller.

En faisant peser les pours et les contres entre les différentes façons de confiner les chiens (enclos, bâtisse, attachés), j’ai choisi d’avoir mes chiens majoritairement attachés sur des chaînes d’un minimum de 6 pieds de long. Plusieurs autres chenils de chiens de traîneau vont garder leurs chiens en enclos, c’est un choix qui comporte des avantages et des inconvénients. Il s’agit juste de comprendre le raisonnement derrière chaque choix.

Est-ce que les chiens ont mal lorsqu'ils tirent un traîneau?

Ça peut arriver si tu fais ça tout croche. Comme un enfant peut se blesser quand il joue au hockey ou tu peux avoir des ampoules en randonnée pédestre. Pour éviter qu’un chien ait mal lorsqu’il tire un traîneau, il y a beaucoup de variables qui doivent être considérées.

Le harnais

Son harnais doit être conçu pour l’activité spécifique de traction, pour sa morphologie et pour sa taille. Les sangles du harnais doivent passer au bon endroit sur le chien et éviter les zones sensibles. Le choix d’un bon modèle de harnais, c’est comme choisir une paire de souliers de course : c’est vraiment la base. Le harnais doit être rembourré pour plus de confort du chien. Il doit avoir des sangles douces qui moulent le corps du chien et qui ne frottent pas la peau. Regarde la vidéo pour apprendre comment vérifier l’ajustement du harnais sur un chien.

L’entraînement

Le chien doit être préparé physiquement et mentalement pour faire du traîneau à chien. Comme tout bon athlète, il doit s’entraîner. Cet entraînement doit être rempli de jeux et de plaisir.

Dans un monde idéal, le chien a appris jeune à courir dans toutes sortes de conditions, libre et avec d’autres chiens. Il développera alors les compétences nécessaires à une belle vie en santé. J’appelle ça de l’entraînement libre, mais en termes plus spécifiques, c’est de l’entraînement neuromoteur qui permet le développement physique du chien. Ça entraîne le système nerveux, les articulations et prépare les muscles à toutes sortes de conditions de sentier et de vitesse.

Quand le chien grandit, on commence avec une traction douce comme le canicross ou la cani-rando. Lorsque le chien est enthousiaste à courir plus vite, on peut l’atteler à un engin (scooter, trottinette, cani-kart, vélo). Notez que le chien doit avoir vu cet engin et être désensibilisé à la chose au préalable pour ne pas être effrayé. Cela va préparer le chien à tirer un traîneau avant qu’il y ait de la neige, autant mentalement que physiquement.

L’équipement

Les traîneaux peuvent être munis d’amortisseur (corde “bungee’)pour amortir les contrecoups que les virages peuvent créer sur l’attelage. La ligne de trait peut être faite de corde ou de câble. Le câble doit être souvent inspecté pour s’assurer que ce qui recouvre le métal est lisse et sans accrocs qui pourraient blesser les chiens. Il y a beaucoup d’autres accessoires qui sont utilisés selon les conditions (bottines pour chiens, manteaux, tapis ralentisseur, etc.)

La beauté du traîneau à chiens, comme tu vois, c’est la quantité de facteurs en jeu, et c’est pour ça qu’entraîner mes chiens est toujours fascinant!

Qu'est-ce qui peut causer
une blessure au chien lorsqu’il fait du traîneau ?

Comme tous les sports que nous pratiquons, plus ça va vite, plus le risque augmente. Et n’importe quel athlète peut subir une blessure, on appelle ça la vie…(!)

Alors on fait quoi? D’abord, on identifie les risques :

  • La quantité de chiens impliqués: plus il y a de chiens, plus le risque est élevé. La force additionnée de l’ensemble des chiens est plus grande, donc si le chien est mal positionné ou moins à l’aise, il pourrait se blesser plus facilement dans un grand attelage (8 chiens et plus).
  • Travailler en équipe implique qu’il peut y avoir des désaccords, même chez les chiens! Une bonne gestion des altercations entre les chiens est essentielle pour diminuer le risque de blessure.
  • La qualité des sentiers est très importante à prévoir pour la prévention des blessures. Un sentier dur et bien compacté est plus facile qu’un sentier sur lequel les chiens peuvent caler dans la neige en courant.
  • La conduite de l’attelage doit être faite en douceur et en contrôle. Le conducteur du traîneau doit développer ses habiletés de conduite pour diminuer le risque de blesser ses chiens. Il doit aussi apprendre à ne pas tomber, pour ne pas, lui non plus, se blesser. C’est pourquoi, ne conduit pas un attelage qui veut du jour au lendemain! Le traîneau est un sport d’équipe, et l’humain en fait partie. Il doit donc s’entraîner lui aussi.

La clé est dans la gestion de ces risques, c’est pour ça qu’Aventure Écotourisme Québec veille. Il existe de la prévention pour amoindrir le risque. Et quand on a tout fait pour éviter un accident et qu’il survient, il faut connaître et appliquer les soins nécessaires pour contrer les effets à long terme d’une blessure. Avoir des plans de gestion des risques et des plans d’urgence pour l’ensemble des activités est donc essentiel, et ces plans doivent être mis en place par le propriétaire des chiens.

En bref, si on ne gère pas le risque, il faut se demander si l’activité devrait avoir lieu.

Est-ce que les chiens sont obligés de tirer ?

Je crois qu’il est important de clarifier que les chiens tirent des attelages car ils le veulent bien, mais pas parce qu’ils sont obligés. De prime abord, nous faisons du traîneau avec nos chiens pour leur bien-être. C’est une activité qui canalise leur énergie et qui répond à un besoin. Ces besoins sont induits de leur instinct de chasse, de déplacement, de poursuite et de découverte.

Il y a des chiens qui n’aiment pas tirer, il est alors impossible de les forcer à le faire. Ce sport fait tirer un chien devant nous. Si le chien arrête parce qu’il est fatigué, ou qu’il n’a plus envie, et bien… il arrête! On ne peut pas le traîner, il est devant nous. Ce serait très contre-productif. C’est comme tenter de pousser une corde molle vers l’avant…

Certains chiens ne veulent pas courir attelés à un traîneau, et nous nous devons de respecter ça. Ça peut être une préférence, ou encore le chien peut avoir vécu un mauvais moment et il associe le traîneau à cette expérience désagréable. Souvent ces chiens ne seront pas gardés par une entreprise de traîneau à chien qui lui trouvera une maison plus adaptée à ses besoins. Chez moi, ces chiens font partie du comité d’accueil. Ils vivent dans la maison, et accueillent les invités. Ils font toujours partie de la meute, mais avec un rôle différent.

Pourquoi les chiens dorment dehors ?

La raison est simple : pour supporter le froid de l’hiver.  Ils doivent faire 2 choses :

  • Acclimater leur corps à de nouvelles températures : si les chiens vivaient à l’intérieur, ils feraient comme nous, ils auraient froid au bout d’un moment et auraient besoin de se réchauffer. Rappelle-toi à l’automne, aux premiers matins de gel. Tu te demandes comment tu vas supporter le -15 en janvier… quand tu es souvent dehors, rendu en janvier le -15 ne paraît pas aussi froid.
  • Bâtir leur pelage : à l’automne, quand la température diminue, leur poil épaissit. Au printemps, ils perdent ce poil pour leur permettre de supporter les températures chaudes. S’ils sont dans un endroit chauffé pendant l’automne, leur corps ne sera pas suffisamment stimulé pour produire autant de poil.

Tout est une question d’adaptation. C’est beau la nature non?

Après, oui ils dorment dehors, mais ils ne sont pas “tout nus”. Ils ont une maison bien étanche, avec une couche isolante (paille par exemple) qui leur fait un nid douillet pour la nuit.

Malgré leur cabane confortable, parfois les chiens font le choix de dormir dehors dans la neige. Selon moi, c’est un signe qu’ils sont bien dehors. Ça arrive même avec mes chiens qui vivent dans la maison lorsqu’ils trouvent qu’il fait trop chaud et demandent la porte pour sortir dehors dormir.

Enfin, les chiens sont adaptés au froid. Les meilleures sorties de traîneau se déroulent vers les -20, et non lorsqu’il fait -1! Surtout en fin de saison, les chiens vont avoir chaud rapidement, car leur pelage est bien épaissi.

Est-ce que les chiens de traîneau peuvent avoir froid?

Oui bien sûr, dans certains contextes, ils peuvent avoir froid. Les chiens de race nordique qui peuvent produire suffisamment de chaleur et de poil pour se tenir au chaud sont beaucoup mieux adaptés à la vie dehors en hiver.

Un chien qui a un pelage plus mince pourrait avoir une cabane isolée, ou vivre dans un bâtiment chauffé. Ça dépend donc du type de chien.

On doit aussi considérer l’acclimatation du chien au froid. Un chien avec beaucoup de poils, mais habitué à vivre dans la maison, va trouver la différence de température à l’extérieur plus difficile à supporter.

Un chien qui est fatigué, qui a faim ou qui est malade est plus à risque d’avoir froid. C’est pourquoi il est important qu’il y ait toujours un emplacement chauffé de disponible près du chenil.

Encore plus important, le musher doit pouvoir reconnaître les signes d’un chien qui a froid. Sur les sentiers, des manteaux isolants et de la soupe chaude sont aussi utilisés pour aider les chiens à bien récupérer et produire de l’énergie pour rester au chaud.

Est-ce que les chiens sont dangereux ?

C’est un sujet sérieux, légitime et très important. Tout chien sur la planète peut être potentiellement dangereux. Nous les humains, on a des croûtes à manger par rapport à la compréhension des chiens et leur langage.

Quand tu arrives dans une entreprise de traîneau à chiens, tu devrais apprendre sur la façon d’approcher et d’aborder leurs chiens. Tout propriétaire de chien se doit de connaître ses chiens, leurs comportements et leurs personnalités. Il doit surtout s’assurer qu’aucun humain n’agit de façon inappropriée envers eux. Je vois parfois des gens aborder des chiens de façon très inadéquate, ce qui peut mener à une catastrophe… C’est vraiment une question d’apprendre le langage canin. Ils ne parlent pas la même langue que nous, et comme on le voit entre des cultures différentes, un manque de communication peut vraiment créer des conflits!

C’est pourquoi une visite qui permet le contact avec les chiens dans un chenil se fait toujours sous surveillance.

Les entreprises de traîneau à chien qui offrent des activités touristiques se doivent d’avoir des chiens sociables qui aiment les humains et les autres chiens, sinon ce n’est pas très avantageux. Gérer sans cesse des conflits n’est clairement pas plaisant ni efficace. Une sélection génétique des chiens est faite pour éviter d’avoir des chiens qui ont des problèmes de comportement. Et un bon élevage des chiots est primordial pour avoir des chiens équilibrés.

Malgré le fait que les chiens nordiques (Husky Sibérien, Malamute, etc) ont parfois des apparences physiques semblables au loup, ils ne sont pas sauvages comme leur cousin, ils sont domestiqués. Ils sont socialisés, éduqués, entraînés et soignés par nous. Ils aiment l’humain qui prend soin d’eux.

Comme je l’ai dit plus haut, il faut bien connaître nos chiens. Ça nous permet de faire des choix judicieux pour eux. Par exemple, un chien qui est moins tolérant des autres et qui a une grosse bulle, on lui prévoit un espace plus grand et un endroit tranquille. Pour un chien timide, on ne le met pas dans une situation dans laquelle il n’a pas le choix de se faire flatter.

Je crois fermement que les chiens doivent être perçus comme des animaux (et non comme des jouets!) qui ont un instinct, un passé et des besoins qui modèlent leurs réactions.

Un chien, dans une certaine situation, pourrait sentir le besoin de protéger un membre de la meute. Il pourrait alors vouloir éloigner d’autres chiens en montrant les dents par exemple. Le musher doit prendre grand soin d’informer et d’éduquer les invités sur les comportements à éviter pour diminuer le risque d’une telle situation.

Quand un chien vieillit, il devient moins tolérant avec les autres membres de son espèce ou si de jeunes enfants circulent parmi eux. Au contact d’enfants, une surveillance accrue est essentielle étant donné leurs mouvements parfois imprévisibles avec les animaux.

Paméla Turcotte-Boutin est Biologiste, musheuse professionnelle, designer d’équipement de sports attelés et co-propriétaire de Kinadapt.


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